Le stade de Biathlon en date du 5 décembre 2022 © J. Cathala - Le Grand-Bornand Tourisme
Alors qu’il y a plus de quinze ans, on s’enthousiasmait ou pas dans les reportages de FR3 Alpes de pouvoir transporter de la neige par camion ou en hélicoptère pour assurer le bon développement d’une compétition il semble que le vent tourne L’étape de Coupe du monde de biathlon au Grand Bornand à partir du 12 décembre cristallise l’attention et nous permet de faire le point sur la situation.
Le Grand Bornand, station alpine de Haute-Savoie située à tout juste 1000 m d’altitude comptant 2200 habitants à l’année et 40 exploitations agricoles avec 1.2 millions de nuitées touristiques dont 42 % hors neige va accueillir plus de 60 000 spectateurs payant pour 4 jours de course. Le stade temporaire est aussi utilisé l’été pour les arrivées d’étapes du Tour de France cycliste quasiment au centre du village, d’où l’expression utilisée par l’office de tourisme : de ‘Monaco des Alpes’ en référence au circuit de F1 provisoire dans les rues de la principauté monégasque.
Mais voilà à cette altitude et avec cet automne sans précipitation et trop clément du point de vue températures, le comité d’organisation a dû puiser dans sa carrière à neige produite l’hiver dernier par canons à neige ou mot préféré par les gens du milieu de la neige, enneigeur, à hauteur de 50% le reste étant de la neige naturelle regroupée. Le tout est stocké sous une épaisse couche de sciure pour éviter le phénomène de fonte pendant l’été.
Au final, à 2 semaines de l’évènement le maire de la commune, André Perillat-Amédé nous confirme « elle aura bien lieu » et alors que la France se concentre plutôt sur une autre Coupe du monde, celle de foot au Qatar où la climatisation dans les stades en extérieur est monnaie courante... La station a enneigé plus de 4 kilomètres de pistes avec 24 000 m3 de neige dont 12 000 m3 transportés par camions sur 3 jours et à l’aide de dameuses. A souligner que les pistes seront utilisées pendant l’ensemble de la saison pour l’activité ski de fond.
Mais voilà cette année et peut-être dans le prolongement du mouvement de la ZAD de la Clusaz, les représentants des associations de défense de l’environnement du département de la Haute-Savoie ne supportent plus une telle pratique. Même si à ce jour, plus de 80 % des épreuves de Coupe du monde de ski ou de snowboard se déroulent déjà sur neige artificielle, le contraste est de voir une langue blanche de neige dans un pré vert. Quand les canons à neige crachent toute la nuit sur une montagne enneigée, l’impact visuel est bien moins fort, comme sur la photo du 5 décembre du stade…
Mais, si d’ici le 18 décembre les températures venaient à remonter et de fortes pluies incessantes à tomber, même cette solution ne pourrait pas suffire.
L’IBU et la FIS, les deux fédérations qui gèrent les sports sur neige au niveau mondial, adoptent depuis quelques années un discours politique volontariste pour être neutre en carbone mais la réalité économique des organisateurs d’étapes de Coupe du monde se confronte à une pression locale ou médiatique et à des réalités bien différentes. Au final, le public et même les gens de la montagne s’interrogent sur le sens à donner à de tels évènements… surtout qu’en parallèle on se demande s’il y aura des coupures d’électricité en janvier… alors utiliser de l’énergie pour faire de la neige…
On notera que depuis maintenant 10 ans les organisateurs de la Marcialonga, la course italienne en ski de fond de longue distance, dans les Dolomites, ont investi dans leurs propres canons à neige et produisent de la neige à partir de l’eau puisée directement dans la rivière pour garantir l’enneigement du parcours de plus de 70 km. Sans cela depuis maintenant 3 ou 4 ans la course n’existerait plus et le développement économique et sociale qu’elle génère ne se ferait pas. Plus de 3000 Scandinaves, Russes et autres ressortissants des pays de l’est font chaque année le déplacement pour le dernier week-end de janvier. Cette année y verrons-nous des jeunes virulents ‘pro climat‘ d’Exctinction Rebellion ou de Dernière Rénovation se coucher sur le parcours et ainsi bloquer le bon déroulement comme lors du Tour de France cet été lors de 2 étapes ?
Et c’est là qu’il faut se poser les bonnes questions. Le plus impactant sur une Coupe du monde en terme de bilan carbone, comme aime le souligner le maire du Grand Bornand, ce sont les déplacements des athlètes des spectateurs et des médias… Même chose pour la dernière COP 27 en Egypte avec plus de 400 jets privés sur l’aéroport de Sharm El Sheikh pour transporter certains représentants des délégations ou des lobbyistes…
André Perillat-Amédé, maire du Grand-Bornand et Président du Comité d'organisation de l'étape de la Coupe du monde Annecy Le Grand-Bornad Biathlon affirme « Parlons clairement, tout évènement a un impact environnemental non négligeable qui fait réagir, le biathlon n’y échappe pas… »
Sur du long terme quelle solution ? L’IBU, l’instance mondiale du biathlon semble plus ouverte que la FIS à passer des courses des disciplines nordiques en ski à roulettes. Elle organise déjà un Championnat du monde chaque été et au niveau national, faute de place dans le calendrier en hiver. Inspiré par l’Allemagne, les Championnats de France de ski de fond ou de biathlon se déroulent déjà sur du macadam en ski-roues.
Ensuite, on ne peut pas nier que pour l’économie des vallées et des stations de sport d’hiver, pouvoir montrer à la télévision en Eurovision qu’en début de saison on peut skier, c’est une manière de s’assurer gratuitement une publicité. Les Autrichiens avec l’étape d’ouverture de la Coupe du monde de ski alpin sur glacier à Sölden fin octobre l’on bien compris depuis 10 ans. Mais pour combien de temps encore, chaque année le glacier recule…
Des habitations de Cervinia et son domaine skiable le 1er décembre 2022
Cette année, en Italie, la station du Val d’Aoste de Cervinia devait aussi recevoir 2 étapes de Coupe du monde de ski alpin sur son glacier mi-novembre à plus de 3000 m d’altitude mais pour cette première, les températures élevées ne garantissaient pas la sécurité des skieurs... Et la question du développement durable c’est de nouveau posé. C’est pour cela que la station via le comité du Cervino Monterosa Paradise (CMP) promeut un développement qui comme nous l’explique Bruce McNeill, moniteur de ski, hôtelier et président du CMP « ne reposera pas seulement sur la saison d’hiver mais qui permettra un désenclavement des vallées 365 jours par an et sans de lourdes infrastructures comme des tunnels ou des routes pour notamment rejoindre la Suisse et Zermatt – Matterhorn » .
Bruce McNeill à la tête du Comité de Cervino Monterosa Paradise.
Dans le futur, cela pourrait passer par le développement d’une nouvelle télécabine 3S entre Frachey et le Col supérieur des Cimes blanches à la frontière entre l’Italie et la Suisse au coût inférieur à 67 millions d’euros semble une solution. Au passage elle permettra de créer l’un des plus grands domaines skiables des Alpes.
D’un autre côté, l’économie de la montagne va devoir peut-être encore se réinventer avec un retour à une pratique du ski plus au naturel, une station dotée d'un domaine sans canon à neige est-ce envisageable économiquement ? Faut-il envisager une saison plus courte avec à l’opposé une économie moins saisonnière ? Comme le signal Matteo Zanetti de l’association des hébergeurs de Val d’Aoste : « L’école à Cervinia (2000 m d’altitude) comprenait jusqu’à 19 enfants, maintenant ils sont 3. Il faut, comme l’a montrée la crise du Covid, se réapproprier notre territoire de montagne avec une activité douce et inscrite tout au long de l’année… Pourquoi ne pas avoir une activité universitaire délocalisée lors des basses saisons, utilisation des logements vides et le bienfait de l’air des montagnes !»
@toutleski #Cervino #Matterhorn #MonteRosa #Cervinia #Italia on December 1, 2022. #CMP #Valledaoste #Valdaosta Cervino Monterosa Paradise - Start of a new #Winter #Ski Season in Cervinia #Monoski #Alps #Mointain by @Agence String #AgenceString ♬ Come & Get It - Klayton
Nous sommes aussi à une époque pleine de contradictions et une certaine humilité ou simplicité avec un respect et une compréhension plus grande de notre espace de vie, notre environnement en tenant compte de son héritage culturel pourrait-être prôné. Comme aime à le souligner André Perillat-Amédé « Le bilan carbone du déneigement et la pression des concitoyens qui s’attendent à des routes bien dégagées est plus impactant que celui du transport de l’enneigement artificiel. »
La prise de conscience est là mais c’est donc bien Dame Nature qui semble avoir le dernier mot…
La situation en images par nos confrères de BFM
Et enfin la neige au village du Grand Bornad en direct
Et enfin la situation neige pour l'étape autrichienne d'Hocfilzen en photos :
Webcam HochfilzenEn photo le stade de Biathlon en date du 5 décembre 2022 © J. Cathala - Le Grand-Bornand Tourisme et le domaine skiable de Cervinia et Bruce McNeill, président du CMP © Agence String pour Toutleski.com
